Tutto andra bene (Vin suisse et dormition: épisode 36)
Vin suisse et dormition : épisode 36 29 avril 2020
Petite impression d’euphorie en cette fin de mois. Après six semaines de doutes, de remises en question et d’incertitudes, j’ai pu acheter des roses blanches chez le fleuriste, saluer la coiffeuse qui a son salon en bas de l’immeuble dans lequel elle fait des journées de douze heures manger une glace sur les quais de Montreux. Idem sur le plan professionnel puisque la pluie est arrivée pour le plus grand bonheur des vignerons et que la caisse de compensation a donné de meilleures nouvelles que prévues. On ne sait pas toujours pas comment tout cela finira, mais il y a aujourd’hui ce soulagement similaire à celui que l’on ressent après s’être réveillé d’un rêve angoissant et très réaliste.
La bouteille du jour
La dormition causée par le coronavirus va porter un coup très rude à un vignoble suisse déjà touché par la crise. Afin d’apporter un maigre soutien aux vignerons sur lesquels j’écris depuis quinze ans, j’ai décidé d’ouvrir une bouteille de vin suisse par jour de confinement (deux précisions: j’ai dit ouvrir, pas forcément finir, et vu que ma cave compte près de 600 bouteilles de vin suisse, je ne crains pas trop de tomber à sec).
Blanc Brut Bouvier Frères Cave des Coteaux
Assemblage de Pinot Noir et de Chardonnay, cet effervescent est l’une des étiquettes les plus anciennes de Suisse. Vinifié avec précision, notre cuvée du jour charme par sa robe délicatement dorée, son nez élégant qui mêle des notes de brioche à de la framboise et de la noisette ainsi que sa bouche équilibrée soutenue par une bulle crémeuse. Le tout se termine par une finale sapide et avenante.
Un peu de culture sur le vignoble suisse
Daté du 20 janvier 1313, une charte du Registre d’Anniviers indique qu’un impôt, le cens, doit être fourni «avec trois sortes de raisins, bien et suffisamment mûrs, c’est-à-dire du neyrun, de l’humagny et de la regy». Si les deux derniers cépages correspondent sans nul doute à l’Humagne et à la Rèze, l’identité du Neyrun reste un mystère. Certains l’ont assimilé au Rouge du Pays ou Cornalin, mais rien ne vient étayer cette supposition, ni même l’hypothèse que «neyrun» ait désigné un cépage rouge.
Le cinquième épisode, consacré à la fin du Moyen-Âge, de notre dossier sur l’histoire du vignoble valaisan.
Journaliste sur le vin, spécialisé sur le vignoble helvétique, j’habite à Montreux. Mi-mars 2020, cette petite ville animée sur les bords du Lac Léman est entrée, comme le reste du pays, en dormition (un terme religieux qui désigne une mort sans souffrances) pour cause d’épidémie de coronavirus. Travailleur indépendant, rédacteur en chef de l’édition francophone de VINUM, père d’une petite fille de trois ans, président d’un concours international (le Mondial du Chasselas), je dois désormais réorganiser à peu près tous les pans de ma vie privée et professionnelle. Traverser le confinement, et survivre au cataclysme économique qui le suivra, va être une aventure exigeante dont ce journal de bord entend garder la trace.
Alexandre Truffer
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