Pinot sans limite
Occupant plus de la moitié du vignoble de Neuchâtel, le Pinot Noir se décline en versions classiques, élevées sous bois, rosées et effervescents. A cet inventaire, il faut désormais ajouter une dizaine de sélections haut de gamme qui se classent au sommet de la pyramide qualitative du vin suisse. Commercialisé pour un prix minimum de trente francs la bouteille, ces cuvées haut de gamme sont le résultat d’un processus souvent décennal d’amélioration du matériel végétal et d’adéquation de celui-ci avec des parcelles dotées de conditions pédologiques et climatiques exceptionnelles.
Pur-Sang
Domaine de Chambleau
Prix : 89 francs
«Dès les débuts de la cave, en 2006, nous avons proposé un Pinot Noir vinifié en cuve inox et un autre élevé sous bois. Le Pur-Sang était déjà imaginé, mais la qualité de la vendange n’était pas suffisante cette année-là. Le premier millésime affiche donc 2007» explique Louis-Philippe Burgat donc le vin fait partie des rares Pinot Noir romands sélectionnés à la Mémoire des Vins Suisses. «Nous y sommes entrés en 2008. La Mémoire a beaucoup aidé à faire connaître ce vin dans les établissements étoilés de toute la Suisse.» A l’époque, le prix (69 francs la bouteille) avait fait jaser, tout comme la vente en caisses de six flacons. «Personne n’achète des Grands Crus Bordelais à l’unité», se défend le porte-drapeau des grands Pinot Noir de Neuchâtel. «Les vignes qui donnent le Pur-Sang sont réparties sur trois parcelles toutes situées à Colombier. Ce sont des terres sableuses et graveleuses qui donne naturellement des faibles rendements. Dans les années 1990, nous les avons replantées avec des sélections massales du domaine. Les premières années, je recherchais à atteindre des maturités élevées. Depuis 2012, nous avons avancé les dates de vendange afin d’afficher plus de fraîcheur. Il y a eu une évolution en cave aussi puisque l’élevage est passé de 100% de bois neuf à 50% ».
www.chambleau.ch
Racine 2014
Domaine de Vaudijon
Prix : 80 francs
Splendide propriété à l’entrée de Colombier, Vaudijon a été acquis par Laurent Lozano en 2012. Cet ingénieur œnologue originaire de Bordeaux qui a longtemps travaillé pour une grande maison de Cognac confie qu’il a été élevé au Cabernet et au Merlot, «mais la découverte des Pinot Noir de Neuchâtel a complètement changé mon approche des vins rouges. Lorsque j’étais à l’école, on interdisait d’utiliser les termes de finesse et de délicatesse dans les dégustations, car ce ne sont pas des descripteurs objectifs. Avec le Pinot Noir, ces concepts prennent une grande importance, car ce cépage est beaucoup plus influencé par les choix viticoles et de vinification que les cépages bordelais.» Les 4,5 hectares de vignes du Domaine de Vaudijon sont majoritairement plantés de Pinot Noir et de Chasselas auxquels il faut ajouter 3000 mètres carrés de Chardonnay. La famille Lozano a vinifié son premier millésime en 2014. «En faisant déguster mon vin chez un caviste, celui-ci m’a incité à mettre de côté deux barriques. Celles-ci sont restées en fût pendant trente mois – au lieu de quatorze – est ont été mises en bouteille en mai 2017. Nous ne cherchons pas l’extraction, ni les arômes boisés, mais un surcroît d’élégance et de complexité grâce à l’élevage. »
www.vaudijon.com
Grands’Vignes
Château d’Auvernier
Prix : 58 francs
«Même si le Château d’Auvernier vinifie du Pinot traditionnel depuis plus de quatre siècles, ce cépage est pendant très longtemps resté minoritaire par rapporté à l’œil-de-Perdrix et surtout au Chasselas», explique Thierry Grosjean qui a énormément développé la production de Pinot, rouge et rosé, à son arrivée dans l’entreprise en 1977. En 1990, il met sur le marché un rouge élevé en barriques. Quinze ans plus tard, il crée la Cuvée Carlos Grosjean, du nom de son père, qui consiste en une sélection des meilleures barriques du millésime. «Dès les années 2000, nous avons entrepris une classification de nos parcelles pour repérer celles qui donnaient les meilleurs résultats les années chaudes comme lors de millésimes froids. Deux lieux-dits, les Grands’Vignes et les Argiles – qui se situent à 300 mètres l’une de l’autre sur la commune d’Auvernier au nord-ouest du château – ont été replantés avec des clones très qualitatifs qui s’appuient sur des porte-greffes de faible vigueur. Ces récoltes, faible en quantité mais forte en qualité, sont élevées deux ans en barriques. Une nouvelle sélection a encore lieu avant la mise sur le marché afin d’assurer une qualité irréprochable.»
www.chateau-auvernier.ch
Clos du Château
Domaine des Landions
Prix : 55 francs
«Notre famille a produit du raisin pendant quatre générations. Mon père, Denis Meier a accompli un travail exceptionnel d’amélioration du matériel végétal. En 2002, il a racheté quinze hectares de vignes qu’il a replantés avec des sélections allemandes et bourguignonnes aussi qualitatives que peu productives», explique Morgan Meier qui vinifie trois Pinot Noir qui trouveront très vite leur place parmi l’élite du vin suisse. «Vendre du raisin de qualité parfaite produit à raisin de 3 à 400 grammes au mètre carré n’a aucun sens d’un point de vue économique. La recherche des meilleurs clones a été le travail d’une vie pour mon père, tandis que savais que je voulais devenir œnologue dès le début de l’adolescence », confie celui qui a appris les bases théoriques et pratiques de son métier à Dijon. «Le Clos du Château vient d’une grande parcelle pentue et très bien exposée du Château de Vaumarcus. Il est élevé 21 mois en fût neuf de chêne français. Le vin n’est ni levuré, ni filtré, ni collé. Le prix peut paraître élevé, mais il est à mettre en relation avec le travail fourni. Ce que les clients comprennent très bien, y compris hors du canton puisque nos vins sont référencés dans des établissements de prestige des cantons de Vaud et du Valais.»
www.meiervin.ch
Haute Couture
Domaine de Montmollin
Prix: 49 francs
«Notre domaine propose depuis toujours un Pinot traditionnel, élevé en foudres. Il a trente ans, l’a rejoint une version «barrique» élevée deux ans en fûts de chêne. Depuis 2009, nous avons proposons le Haute Couture, qui lui, passe 24 mois dans des tonneaux de chêne neuf. » explique Benoît de Montmollin qui, avec sa sœur Rachel, a repris les rênes de l’entreprise en 2017. «Ce vin permet de montrer à une clientèle qui boit moins mais mieux que nous disposons des vignes – une parcelle d’Auvernier qui fait face au lac et est entourée de murs – et du savoir-faire pour élaborer des très grands vins rouges. Quel que soit le soin apporté au Pinot Noir tradition, ce sont les réalités du marché qui déterminent son prix. Créer un nouveau produit d’exception permet au contraire de valoriser les meilleurs raisins ainsi que la démarche qualitative de la maison», poursuit notre interlocuteur qui précise que: «les clients sont désormais familiarisés avec cette pyramide qualitative. Autrefois, certains clients nous disaient que c’était bon, mais qu’ils n’en voulaient pas, car cela différait trop du Pinot Noir traditionnel qu’ils connaissaient. Aujourd’hui, cette manière de penser a disparu ».
www.domainedemontmollin.ch
Clos de la Perrière
Domaine Saint-Sébaste
Prix : 42 francs
Sur ce domaine certifié en biodynamie depuis 2012, Jean-Pierre Kuntzer travaille désormais avec sa fille Elodie. Celle-ci a sélectionné dès 2014 les meilleurs ceps de Pinot Noir des anciennes parcelles qui sont désormais utilisés pour lorsqu’il faut renouveler le matériel végétal. «Si l’on veut améliorer la qualité de nos vins, je ne crois pas qu’on puisse faire beaucoup d’efforts du côté des rendements ou de la vinification. Le potentiel d’amélioration se situe surtout au niveau de la qualité des clones que nous utilisons. Bien entendu, c’est un travail qui ne donne pas de résultats immédiatement visibles. Il faut au moins attendre une dizaine d’années pour que les changements se remarquent à la dégustation», explique ce vigneron de Saint-Blaise. Son Pinot Noir iconique est le Clos de la Perrière, une sélection parcellaire lancée en 2008, soit dix-huit ans après l’apparition du premier rouge en barrique. «Notre Clos provient d’une vigne de 7500 mètres carrés. Les rendements sont limités à 250 grammes au mètre carrés. La vendange est égrappée, éraflée, vinifiée en grains ronds et avec des levures indigènes uniquement. Elevé dans du fût neuf exclusivement, le vin reste entre douze et dix-huit mois sous bois», confie Jean-Pierre Kuntzer.
www.kuntzer.ch
Graf Zeppelin
Grillette, Domaine de Cressier
Prix: 42 francs
«Le comte Ferdinand von Zeppelin appréciait assez le Pinot Noir de la Grillette pour en proposer à bord de ses célèbres dirigeables. Lorsqu’en 1999, le domaine a lancé le plus haut de gamme de ses Pinot Noir, son nom a vite fait l’unanimité. Cette bouteille emblématique est d’ailleurs presque plus connue que le domaine lui-même», constate Annie Rossi, l’œnologue de cet encavage qui revendique 125 ans d’histoire. La régisseuse du domaine ajoute : «en vingt ans, le prix a peu évolué. Au siècle passé, la démarche avait un côté précurseur. Aujourd’hui, nous nous sommes fait rattraper et même dépasser en termes de prix. Ce qui ne nous dérange pas, car notre objectif n’est pas la surenchère, mais la volonté de mettre en avant le terroir et la qualité dans un vin de qualité irréprochable.» Le raisin du Graf Zeppelin croît dans une parcelle d’un demi-hectare aux environs du Château de Cressier. Les sols calcaires sur un fond de marnes et les anciens clones de Pinot Noir permettent des rendements moyens de 350 grammes au mètre carré presque sans intervention. Vinifié en barriques neuves élaborées avec des chênes de l’Allier exclusivement, les plus prestigieux des quatre Pinot Noir du Domaine de Cressier patiente deux ans en fût avant d’être mis sur le marché.
www.grillette.ch
Le Lerin
Domaine La Maison Carrée
Prix : 37 francs
Installée à Auvernier depuis le 16e siècle, la famille Perrochet a fait l’acquisition de la Maison Carrée en 1827. Cinq générations plus tard, cet encavage majestueux est géré par Jean-Denis, Christine et Alexandre Perrochet. Celui-ci explique que : «jusqu’en 2009, cette parcelle assise sur du calcaire blanc qui abrite nos plus vieilles vignes était intégrée au Pinot Noir d’Auvernier. À la suite du travail d’étude des sols réalisé à cette époque, la décision a été prise de valoriser les petites grappes des clones peu productifs de ce parchet exceptionnel». Après une formation qui l’a amené en Valais, à Genève et en Bourgogne, le jeune producteur a rejoint le domaine familial en 2015 qui s’est imposée comme l’un des modèles de «l’évolution verte» du vignoble de Neuchâtel. Arborant les labels Bio Suisse et Demeter, l’entreprise s’est en parallèle distinguée par la qualité de ses vins. Vainqueur du Prix Bio 2016 organisé par VINUM, cette entreprise d’Auvernier fait aussi partie des vignerons sélections par le Mémoire des Vins Suisses et des encore rares vignerons helvétiques dont un vin a été noté 90 points par le Wiene Advocate créé par Robert Parker. Des récompenses qui laissent froid le représentant de la dernière génération. Celui-ci préfère en effet que ses vins «portent la signature d’un lieu et non la mienne ».
www.lamaisoncarree.ch
Les Calames
Domaine des Cèdres
Prix : 34 francs
Macération longue en fût ouvert, dix-huit mois d’élevage en fût de 300 litres, affinage de six mois en bouteilles : le 2015, premier millésime des Calames a été travaillé pour offrir de la profondeur et un potentiel de garde important. «Les 600 bouteilles présentées fin novembre ont été vendues en à peine deux mois et les retours de nos clients étaient systématiquement très positifs», explique Martin Porret. Avec Sophie, sa sœur il a rejoint le domaine familial de huit hectares gérés depuis 1982 par ses parents Jean-Christophe et Nicole. Situé à Cortaillod, le Domaine des Cèdres a passé pas mal de temps sous les projecteurs en 2017. Lauréat du Prix Ambassadeur des Sélections des Vins de Neuchâtel 2017, l’encavage fondé en 1858 a terminé sur la deuxième marche du podium de la catégorie Rosé et Blanc de Noir avec son Œil-de-Perdrix. «La création des Calames répond à une demande d’une partie de notre clientèle, mais il nous faut nous assurer que cet engouement va perdurer au fil des années, précise Martin Porret. Le prix, qui se décide en fonction du positionnement commercial du vin plus que par rapport à un calcul précis des coûts de production, fait l’objet d’un compromis et pourrait encore évoluer.»
www.porretvins.ch
Le Secret de la Chapelle
Cave du Prieuré de Cormondrèche
Prix: 30 francs
«Notre coopérative vinifie le raisin d’une cinquantaine de producteurs qui travaillent 35 hectares. L’idée de lancer un Pinot haut de gamme date du début du millénaire. Nous voulions réussir ce défi avec la vendange d’une parcelle travaillée par le personnel de la cave», déclare Claude-Eric Maire, directeur des Caves du Prieuré de Cormondrèche. L’encavage propose trois autres Pinot Noir: la Cuvée Réservée, au style plutôt traditionnel, la Goutte d’Or, une sélection parcellaire, et le Pinot Noir élevé en barrique. «Le Secret de la Chapelle vient d’une parcelle très bien orientée sur Auvernier. Par soucis de qualité, nous coupons toujours les épaules des grappes et faisons un élevage de 18 mois avant de mettre en bouteille 2500 cols de 75 centilitres et 72 magnums.» Preuve de la qualité de ce Pinot, l’un de ces grands flaconnages s’est imposé devant plus d’une centaine de concurrents dans la dégustation des rouges romands en magnums organisée par VINUM. «Le Secret sort très bien dans les concours et son prix, qui n’a pas bougé depuis le premier millésime en 2005, pourrait évoluer. Nous réfléchissons à la question, mais il existe une volonté de s’assurer que les grands vins de Neuchâtel restent financièrement accessibles au Neuchâtelois.»
www.prieure.ch
Alexandre Truffer
Cet article est paru dans le hors-série Neuchâtel 2018.
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