Optimisme sans barbarisme, s’il vous plaît (Vin suisse et dormition: épisode 13)

Vin suisse et dormition : épisode 13 31 mars 2020

Les réseaux sociaux montrent au grand jour certains traits souvent peu flatteurs de l’espèce humaine. Outre la vanité (qui se traduit par le remplacement des selfies par des photos de jeunesse), le conformisme panurgique fait les beaux jours de Facebook. Après les comparaisons avec la grippe et les pétitions pour la distribution généralisée d’hydroxy-chloroquine, voici que les messages d’espoir pointent le bout de leur nez. Et bien entendu, la moitié d’entre eux brandissent en étendard leur positivisme. Petite précision pour ceux qui ne se sentent pas agressé par ce barbarisme (faute grossière de langage, emploi de mots forgés ou déformés), le positivisme est une doctrine qui pense que tous les problèmes doivent être réglés par la science. Si vous voulez montrer que vous avez de l’espoir dans le futur, vous pouvez utiliser le terme optimisme. Et si vous êtes positif, cela veut, en bon français, dire que vous êtes contaminé, ce qui, aujourd’hui comme en tout temps, devrait vous rendre plutôt pessimiste.

La bouteille du jour
La dormition causée par le coronavirus va porter un coup très rude à un vignoble suisse déjà touché par la crise. Afin d’apporter un maigre soutien aux vignerons sur lesquels j’écris depuis quinze ans, j’ai décidé d’ouvrir une bouteille de vin suisse par jour de confinement (deux précisions: j’ai dit ouvrir, pas forcément finir, et vu que ma cave compte près de 600 bouteilles de vin suisse, je ne crains pas trop de tomber à sec).

Cuvée du Jubilé, Maison Mauler
Elevé quatre ans sur lies, ce Pinot Noir élaboré pour les 190 ans du plus célèbre élaborateur d’effervescents en méthode traditionnelle de Suisse, ce brut élégant dévoile une robe saumonée pâle, un nez expressif de petits fruits rouges où domine la framboise. En bouche, l’aromatique fruitée s’appuie sur une bulle crémeuse. Le tout donne naissance à un vin équilibré, frais et très élégant doté d’une finale aussi avenante que persistante.

Un peu de culture sur le vignoble suisse
La plus ancienne mention de vignes dans le canton de Neuchâtel a longtemps été l’acte de fondation du prieuré de Bevaix en 998. Les travaux du professeur Jean-Daniel Morerod ont permis de mettre à jour des documents plus anciens d’un demi-siècle. Cependant, il faut comprendre que ces actes signifient que la présence de la vigne était préexistante dans la région et non qu’elle ait été plantée cette année-là. On peut sans risque postuler que la vigne s’est développée sur le littoral neuchâtelois dès l’occupation romaine (58 avant Jésus-Christ). Elle a ensuite sans doute perduré jusqu’à nos jours avec des fluctuations causées par les évolutions économiques, politiques et climatiques. On sait ainsi que de l’an mil au 17^e siècle, le vignoble s’accroît jusqu’à frôler les 1300 hectares. Après la Guerre de Trente Ans, la courbe s’inverse jusqu’à atteindre 600 hectares aujourd’hui.

Notre dossier sur l’histoire du vignoble de Neuchâtel.

Journaliste sur le vin, spécialisé sur le vignoble helvétique, j’habite à Montreux. Mi-mars 2020, cette petite ville animée sur les bords du Lac Léman est entrée, comme le reste du pays, en dormition (un terme religieux qui désigne une mort sans souffrances)  pour cause d’épidémie de coronavirus. Travailleur indépendant, rédacteur en chef de l’édition francophone de VINUM, père d’une petite fille de trois ans, président d’un concours international (le Mondial du Chasselas), je dois désormais réorganiser à peu près tous les pans de ma vie privée et professionnelle. Traverser le confinement, et survivre au cataclysme économique qui le suivra, va être une aventure exigeante dont ce journal de bord entend garder la trace.
Alexandre Truffer

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