Œnotourisme: les sombres perspectives d’une brillante idée (Vin suisse et dormition: épisode 31)

Vin suisse et dormition : épisode 31 23 avril 2020

Photo: Alexandre Truffer

L’œnotourisme, qui entend rapprocher producteurs et consommateurs en faisant prendre conscience à ces derniers du patrimoine historique, humain et culturel du vignoble, avait le vent en poupe depuis une dizaine d’années. En Suisse, on atteignait même le point où ce concept sympathique devenait une activité rentable. Qu’en sera-t-il dans un monde post-coronavirus? Faire venir des visiteurs de loin, leur proposer de se rapprocher des producteurs et consommer de l’alcool : tout cela semble aller à l’encontre de tous les préceptes que veulent pérenniser les autorités sanitaires. Surtout lorsqu’il ne s’agit pas d’accueillir quelques touristes dans une maison d’hôtes, mais de regrouper des centaines ou des milliers d’amateurs lors de grands événements… Dans le doute, certains gardent espoir et, à l’image du Cully Jazz, proposent des savoureux cartons de dégustation afin d’aider les producteurs partenaires et de donner à l’événement les moyens de redémarrer.

La bouteille du jour
La dormition causée par le coronavirus va porter un coup très rude à un vignoble suisse déjà touché par la crise. Afin d’apporter un maigre soutien aux vignerons sur lesquels j’écris depuis quinze ans, j’ai décidé d’ouvrir une bouteille de vin suisse par jour de confinement (deux précisions: j’ai dit ouvrir, pas forcément finir, et vu que ma cave compte près de 600 bouteilles de vin suisse, je ne crains pas trop de tomber à sec).

Cœur de Clémence 2015 La Cave de Genève
Toujours très bien vinifié, ce classique n’a pas déçu dans ce millésime généreux que nous avons débouché à son apogée. Belle robe sombre, nez expressif, voire intense, où papillonnent les fruits noirs et les épices. En bouche, on aime l’aromatique cohérente avec celle du nez, le jus soyeux, les tanins fondus, la bouche ample et la finale opulente. Servi avec des cailles aux champignons, ce Gamaret a parfaitement rempli son contrat.

Un peu de culture sur le vignoble suisse
Composée des lacs de Neuchâtel, de Bienne et de Morat, la région des Trois-Lacs a été le théâtre des plus importants travaux d’hydrologie qu’a connu la Suisse. Les recherches archéologiques montrent que le niveau des lacs et des rivières de la région est régulièrement monté de l’Âge du Bronze à la fin du Moyen-Âge. La montée des eaux pose des problèmes aux populations qui doivent faire face à des inondations régulières et à l’agrandissement des zones marécageuses, foyers d’épidémies de paludisme.

Notre article sur l’œnotourisme au Pays des Trois-Lacs.

Journaliste sur le vin, spécialisé sur le vignoble helvétique, j’habite à Montreux. Mi-mars 2020, cette petite ville animée sur les bords du Lac Léman est entrée, comme le reste du pays, en dormition (un terme religieux qui désigne une mort sans souffrances)  pour cause d’épidémie de coronavirus. Travailleur indépendant, rédacteur en chef de l’édition francophone de VINUM, père d’une petite fille de trois ans, président d’un concours international (le Mondial du Chasselas), je dois désormais réorganiser à peu près tous les pans de ma vie privée et professionnelle. Traverser le confinement, et survivre au cataclysme économique qui le suivra, va être une aventure exigeante dont ce journal de bord entend garder la trace.
Alexandre Truffer

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