L’histoire du vignoble vaudois au travers de ses Premiers Grands Crus (l’époque contemporaine)
Quatrième partie d’un dossier paru dans le hors-série Vaud 2017 qui revient sur l’histoire du vignoble vaudois au travers des Premiers Grands Crus vaudois.
1963 : Création du label Terravin
Clos de l’Abbaye
Commune d’Yvorne, Yvorne
Yvorne, comme de nombreuses communes vaudoises, possède un vignoble municipal dont les vins sont entre autres servis lors des réceptions officielles. La petite commune du Chablais – qui outre son Premier Grand Cru vinifie deux autres Chasselas abonnés aux plus hautes récompenses: le Trechêne et le Clos de l’Ombren – doit beaucoup à Robert Isoz. Ce vigneron qui fut syndic de 1966 à 1985 est aussi le père du label Terravin. Créé en 1963 en réaction à la politique de coupage (dite du 49/51) mise en place par le Conseil d’Etat, ce label de qualité va évoluer au fil des années. Aujourd’hui, les dégustateurs de Terravin continuent d’attribuer, ou de refuser, le «Label Or Terravin» aux cuvées qui se soumettent à une dégustation d’agrément. Les membres les plus expérimentés de ce collège composent également la commission qui valide la qualité des Premiers Grands Crus vaudois.
www.yvorne.ch
1971 : Féchy, vignoble classé
Au Brez
Kursner Vins, Féchy
Cette parcelle d’un demi-hectare travaillée par les frères Pierre-Yves et Jean-Luc Kursner fait partie du vignoble classé à l’inventaire fédéral des paysages sites et monuments naturels d’importance nationale. Dans la deuxième partie du 20e siècle, les coteaux bien exposés du vignoble vaudois sont grignotés par la pression immobilière. A Féchy, des vignerons demandent le classement de 70 des 177 hectares recensés sur la commune. Cette mesure crée une «zone protégée» dans laquelle il est interdit de construire de nouveau bâtiment, d’installer des panneaux publicitaires, d’ériger des pylônes pour des lignes électriques ou téléphoniques. De plus, la construction de capites de vigne et les aménagements des bâtiments existants sont sévèrement limités. Toujours en vigueur aujourd’hui, ce règlement fait la fierté des producteurs de Féchy qui apposent sur leurs bouteilles la marque «Féchy, vignoble classé».
www.kursner.ch
1977 : Fête des Vignerons
Château de Chardonne
Obrist, Vevey
Maison de maître plus que forteresse ou résidence seigneuriale, ce manoir construit il y a plus de cinq siècles a transité dans les mains de plusieurs grandes familles bernoises – parmi lesquelles les Sturler qui créeront le domaine viticole – avant d’être acquis par le négociant Emile Obrist en 1933. Le château deviendra un hôtel, puis sera transformé en appartements de luxe, mais les vignes resteront dans le giron de la maison Obrist. Les parcelles de ce magnifique domaine sont régulièrement contrôlées par les experts de la Confrérie des Vignerons. Verdict : ce Chasselas cultivé sur 1,7 hectare de moraine caillouteuse et élevé dans de grands foudres de chêne, bénéficie de soins de qualité exceptionnelle puisque les Fêtes des Vignerons de 1977 et de 1999 ont récompensé la précision et la régularité du travail des vignerons-tâcherons du Château de Chardonne.
www.obrist.ch
1995 : le boom des spécialités
Merlot Domaine de Crochet
Hammel, Rolle
Producteur très engagé dans les Premiers Grands Crus, Charles Rolaz a aussi joué un rôle de pionnier dans le développement de spécialités (des vins élaborés à partir d’autres cépages que le Chasselas, le Gamay ou le Pinot Noir) haut de gamme. Il a ainsi planté Syrah, Cabernet Franc, Cabernet Sauvignon et Merlot dans les sols très caillouteux du Domaine de Crochet à Mont-sur-Rolle. Afin de permettre un soin aussi précis au niveau œnologique que viticole, il a également terminé en 1995 la construction d’une cave pour spécialités. Conscient de l’intérêt du public pour les rouges suisses puissants, il élève ce Merlot près de 18 mois en barrique de chêne. Preuve de la vision de cet ancien avocat, les trois seuls rouges vaudois qui ont séduit la commission d’agrément des Premiers Grands Crus proviennent de trois des domaines du groupe Hammel.
www.hammel.ch
1997 : Se désengager de la chimie
Clos de la George
Hammel, Rolle
Menacé par le phylloxéra, le mildiou, l’oïdium et divers autres maladies et ravageurs, la vigne européenne a besoin de l’aide attentive du vigneron. Afin de limiter l’utilisation de produits chimiques dans les vignes, les experts de Changins ont mis sur pied la confusion sexuelle qui permet de lutter contre le ver de la grappe. Des petits diffuseurs de phéromones sont installés dans les vignes pour perturber la reproduction de ce papillon et maintenir ses dégâts à un niveau acceptable. En 1997, le vignoble d’Yvorne fait partie des premières appellations à ranger les insecticides pour privilégier les dosettes contraceptives. Marc Huttenmoser, vigneron du Clos de la George, fait partie des promoteurs de cette méthode écologique qui va ensuite faire école dans toute la Suisse et commence petit à petit à s’imposer dans le reste de l’Europe.
www.hammel.ch
2012 : Création des Premiers Grands Crus vaudois
Merlot Clos de la George
Hammel, Rolle
La réorganisation des appellations d’origine contrôlées vaudoises – qui sont désormais au nombre de huit : les AOC La Côte, Lavaux, Chablais, Bonvillars, Côtes-de-l’Orbe et Vully ainsi que les AOC Grand Cru Dézaley et Calamin – voient apparaître un nouveau venu au sommet de la pyramide qualitative cantonale: les Premiers Grands Crus vaudois. En cinq ans, une vingtaine de Chasselas et trois Merlot intègrent cette association présidée par Charles Rolaz. Chaque année, tous les vins doivent repasser devant une commission qui valide l’utilisation de l’AOC Premier Grand Cru pour le nouveau millésime. Une fois agréés, les vins peuvent ensuite se présenter devant un autre aréopage qui a pour fonction de sélectionner le vin du Conseil d’Etat, qui sera servi par l’exécutif du Canton de Vaud lors de ses manifestations officielles.
www.hammel.ch
Alexandre Truffer
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