Les cheveux blancs indiquent l’âge et non la sagesse (Vin suisse et dormition: épisode 28)

Vin suisse et dormition : épisode 28 20 avril 2020

Cette citation de Ménandre (auteur grec du 4^e siècle avant Jésus-Christ) m’a trotté dans la tête toute la journée. Il faut dire que ce matin, je me suis fait réprimander par une retraitée qui trouvait que je ne payais pas assez vite mes courses au supermarché du coin. De fait, j’avais diligemment acquitté mon dû et la caissière faisait attendre la dame pour une toute autre raison. Après lui avoir fait remarquer qu’«elle était bien pressée pour une dame à la retraite dans un pays à l’arrêt», j’ai ramassé ma dignité et mon sac de commissions. La nature humain étant ce qu’elle est, je n’ai pas pu m’empêcher de gamberger sur cette génération de soixante-huitards qui après avoir joui des trente glorieuses tout en amenant le système (et la planète) au bout de ses ressources bénéfice d’une retraite infiniment plus généreuse que celle à laquelle mes contemporains peuvent rêver (s’ils en touchent une). Oserais-je avouer une pointe d’énervement à voir toutes ces têtes chenues faire leur deux heures d’exercice quotidien sur les bords du lac alors que nous plongeons dans la pire récession depuis l’invention du concept de PIB pour les protéger?

La bouteille du jour
La dormition causée par le coronavirus va porter un coup très rude à un vignoble suisse déjà touché par la crise. Afin d’apporter un maigre soutien aux vignerons sur lesquels j’écris depuis quinze ans, j’ai décidé d’ouvrir une bouteille de vin suisse par jour de confinement (deux précisions: j’ai dit ouvrir, pas forcément finir, et vu que ma cave compte près de 600 bouteilles de vin suisse, je ne crains pas trop de tomber à sec).

Chasselas 2015 Domaine Bouvet-Jabloir
Né d’un millésime bien ensoleillé, ce Chasselas profond et expressif charme tout d’abord par sa robe étincelante aux reflets dorés. Au nez, les notes de fruits jaunes se mêlent à des arômes de silex et une pointe de fruits exotiques. On retrouve cette aromatique gourmande dans une bouche ample mais équilibrée dotée d’une finale persistante. Le compagnon parfait d’un «coronapéro» où le jambon de la Borne et le gruyère «caramel» étaient à l’honneur.

Un peu de culture sur le vignoble suisse
«Les siècles qui s’écoulent entre la Basse Antiquité et l’An Mil n’ont laissé presque aucune donnée sur le passé viticole du Valais. Une chose est sûre: le Valais du Haut Moyen-Âge a certainement connu et la vigne et le vin. En effet leur forte présence est établie dans les siècles qui précèdent, et un vignoble massif et complètement intégré sera bientôt observé, au 12e et 13e siècle», écrit Pierre Dubuis dans «Histoire de la Vigne et du Vin en Valais». Il faut ainsi attendre 1052 pour voir apparaître dans les archives valaisannes un document qui mentionne des vignes au pied du château de Saillon.

Le troisième épisode de notre dossier sur l’histoire du vignoble valaisan.

Journaliste sur le vin, spécialisé sur le vignoble helvétique, j’habite à Montreux. Mi-mars 2020, cette petite ville animée sur les bords du Lac Léman est entrée, comme le reste du pays, en dormition (un terme religieux qui désigne une mort sans souffrances)  pour cause d’épidémie de coronavirus. Travailleur indépendant, rédacteur en chef de l’édition francophone de VINUM, père d’une petite fille de trois ans, président d’un concours international (le Mondial du Chasselas), je dois désormais réorganiser à peu près tous les pans de ma vie privée et professionnelle. Traverser le confinement, et survivre au cataclysme économique qui le suivra, va être une aventure exigeante dont ce journal de bord entend garder la trace.
Alexandre Truffer

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