Le long chemin de la terre aux étoiles (Vin suisse et dormition: épisode 16)
Vin suisse et dormition : épisode 16 3 avril 2020
Un esprit caustique a parlé du Téléthon comme d’un «étrange spectacle où des millionnaires demandent à des smicards de donner pour des RMIstes». Cette phrase m’est revenu à l’esprit à la réception de l’appel national de la Semaine du Goût à donner de son temps pour les métiers de la terre. Précisons qu’il s’agit de s’inscrire sur la plateforme Agrix qui s’emploie à recruter des travailleurs indigènes pour remplacer les saisonniers incapables ou peu désireux de louer leurs bras (3300 francs par mois) à l’agriculture helvétique. L’initiative est louable, mais fallait-il vraiment la faire parrainer des chefs étoilés qui, pour la plupart, servent plus souvent du homard de Bretagne, du caviar de la Caspienne et de la truffe d’Alba que de la longeole ou du brochet du Léman. Ces cuisiniers sont des personnalités exceptionnelles qui travaillent 80 heures par semaine depuis qu’ils ont quinze ans. Ils sont à leur place lorsqu’il s’agit de mettre en avant un savoir-faire qui confine à l’art, l’esprit d’entreprenariat ou une créativité hors du commun, mais là….
La bouteille du jour
La dormition causée par le coronavirus va porter un coup très rude à un vignoble suisse déjà touché par la crise. Afin d’apporter un maigre soutien aux vignerons sur lesquels j’écris depuis quinze ans, j’ai décidé d’ouvrir une bouteille de vin suisse par jour de confinement (deux précisions: j’ai dit ouvrir, pas forcément finir, et vu que ma cave compte près de 600 bouteilles de vin suisse, je ne crains pas trop de tomber à sec).
Johannisberg Grand Cru 2016, Cave Petite Vertu
Vinifié par François Schmaltzried, ce Silvaner a grande bénéficié d’avoir attendu quelques années, même s’il possède encore un potentiel de garde d’au moins une décennie. La robe jaune présente des reflets dorés éclatants. Le nez, puissant et complexe, mêle des notes de fruits jaunes, des arômes floraux et une touche empyreumatique. En bouche, on rencontre un blanc puissant, ample et généreux qui se termine par une finale persistante dévoilant des notes typées d’amande amère.
Un peu de culture sur le vignoble suisse
Offrir l’hospitalité à l’hôte de passage : c’est peut-être la coutume qui a donné naissance au Vin des Glaciers. Emblématique du Val d’Anniviers, ce blanc atypique, élevé des décennies en foudre de mélèze, illustre la complexité des traditions nomades des Valaisans d’autrefois.
Notre dossier sur le Vin des Glaciers, un art de la générosité.
Journaliste sur le vin, spécialisé sur le vignoble helvétique, j’habite à Montreux. Mi-mars 2020, cette petite ville animée sur les bords du Lac Léman est entrée, comme le reste du pays, en dormition (un terme religieux qui désigne une mort sans souffrances) pour cause d’épidémie de coronavirus. Travailleur indépendant, rédacteur en chef de l’édition francophone de VINUM, père d’une petite fille de trois ans, président d’un concours international (le Mondial du Chasselas), je dois désormais réorganiser à peu près tous les pans de ma vie privée et professionnelle. Traverser le confinement, et survivre au cataclysme économique qui le suivra, va être une aventure exigeante dont ce journal de bord entend garder la trace.
Alexandre Truffer
Retrouvez ici les autres épisodes de Vin suisse et dormition
Merci aux partenaires ci-dessous de soutenir l’initiative Vin suisse et dormition