Après, je me lance dans la traite, c’est plus sûr en cas de crise… (Vin suisse et dormition: épisode 7)
Vin suisse et dormition : épisode 7 24 mars 2020
Être indépendant en Suisse revient à prendre beaucoup de risques, à payer beaucoup de taxes et à dépérir tout seul dans son coin en cas de problème. Représentant tout de même près de 13% des actifs, les indépendants ont eu la surprise d’entendre que, étant donné la configuration un peu spéciale causée par la pandémie, les autorités allaient penser à eux. Surprise, soulagement et très rapidement… déception! Si tes mandats se sont envolés comme neige au soleil mais que tu n’exploites pas un établissement public, tu ne rentres pas dans les cases du formulaire mis en ligne – sur un serveur évidemment surchargé dès 6h15 du matin – par les caisses d’assurances sociales. Ce document montre toutefois que nos autorités n’ont pas perdu le sens des priorités. Ainsi, l’aide publique est garantie aux tenanciers de salons érotiques…. Alors, le meilleur espoir des graphistes, traducteur et journalistes indépendants est-il de se recycler dans la traite d’êtres humains? De fait, la main-d’œuvre ne devrait pas manquer avec la crise qui s’annonce…
La bouteille du jour
La dormition causée par le coronavirus va porter un coup très rude à un vignoble suisse déjà touché par la crise. Afin d’apporter un maigre soutien aux vignerons sur lesquels j’écris depuis quinze ans, j’ai décidé d’ouvrir une bouteille de vin suisse par jour de confinement (deux précisions: j’ai dit ouvrir, pas forcément finir, et vu que ma cave compte près de 600 bouteilles de vin suisse, je ne crains pas trop de tomber à sec).
Yvorne Chant des Resses 2015
Fermé d’une vis, ce classique de la coopérative d’Yvorne impressionne par sa jeunesse, sa fraîcheur et son élégance. Il dévoile des notes florales et minérales, mais aussi des arômes de poire et de pêche de vigne ainsi qu’une note de beurre. En bouche, l’attaque encore un rien perlante et la finale élégante de fruits blancs où domine la poire fraîche encadrent une bouche ciselée et tendue.
Un peu de culture sur le vignoble suisse
«L’archéologie montre que l’homme est présent dans le Chablais vaudois depuis 3500 ans, mais la région gagne en importance au premier siècle après Jésus-Christ, lorsque l’empereur romain Claude rend carrossable le passage du Grand Saint-Bernard afin de faciliter le soutien logistique des légions lancées à la conquête de la Grande-Bretagne. La route passe par Agaune, qui deviendra Saint-Maurice, où se trouve le péage romain d’entrée dans la province des Gaules puis traverse le Rhône à Massongex. Elle continue jusqu’à Vevey avant de se diviser en deux voies, l’une conduisant vers Avenches, la capitale de l’Helvétie romaine l’autre sur Lausanne et la Gaule». Cette situation stratégique du Chablais que décrit Nicolas Isoz, le conservateur du Musée de la Vigne et du Vin du Château d’Aigle, perdurera au Moyen-Âge avec la présence d’un péage près de Villeneuve. Cette bourgade, constitue la porte d’entrée occidentale du caput lacus, en latin la tête ou le sommet du lac, que le temps déformera en «capolai», «chablas» et enfin «chablais».
Notre dossier sur l’histoire du Chablais vaudois et de son vignoble.
Journaliste sur le vin, spécialisé sur le vignoble helvétique, j’habite à Montreux. Mi-mars 2020, cette petite ville animée sur les bords du Lac Léman est entrée, comme le reste du pays, en dormition (un terme religieux qui désigne une mort sans souffrances) pour cause d’épidémie de coronavirus. Travailleur indépendant, rédacteur en chef de l’édition francophone de VINUM, père d’une petite fille de trois ans, président d’un concours international (le Mondial du Chasselas), je dois désormais réorganiser à peu près tous les pans de ma vie privée et professionnelle. Traverser le confinement, et survivre au cataclysme économique qui le suivra, va être une aventure exigeante dont ce journal de bord entend garder la trace.
Alexandre Truffer
Cet article est paru dans le dossier Premiers Grands Cru du hors-série Vaud 2017.
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