Elégance montreusienne
Vin suisse et dormition : épisode 39 2 mai 2020
Cette semaine, Montreux a rouvert sa déchetterie. En allant jeter mes vieilleries le vendredi à neuf heures, j’espérais éviter une queue interminable. En effet, j’ai pu passer les panneaux «ici soixante minutes d’attente », « ici trente minutes d’attente» – qui donnaient au lieu un petit air de Disneyland ou d’Europa Park – sans même freiner. Je ne m’attendais par contre pas à recevoir d’une charmante, bien que masquée, employée communale un petit chocolat ainsi qu’un mot sympathique de la commune. L’attention est symbolique, mais elle fait partie des petits gestes réguliers de cette commune de la Riviera qui, à la différence de certaines autres où j’ai pu résider, ne se rappellent à votre existence qui pour solliciter votre porte-monnaie ou vous avertir de tel ou tel nouveau règlement.
La bouteille du jour
La dormition causée par le coronavirus va porter un coup très rude à un vignoble suisse déjà touché par la crise. Afin d’apporter un maigre soutien aux vignerons sur lesquels j’écris depuis quinze ans, j’ai décidé d’ouvrir une bouteille de vin suisse par jour de confinement (deux précisions: j’ai dit ouvrir, pas forcément finir, et vu que ma cave compte près de 600 bouteilles de vin suisse, je ne crains pas trop de tomber à sec).
Le Pont des Soupirs 2016 Domaine du Paradis
Cet assemblage de Merlot, Cabernet Franc, Cabernet Sauvignon et Gamaret a développé une patine après quatre ans qui couvre harmonieusement la structure charpentée et les tanins serrés. Ajoutez une robe grenat dense, une aromatique expressive où la myrtille, la mûre et la cerise noire le disputent au poivre blanc et à la cardamome et vous obtenez un rouge complexe et puissant que n’effraie pas une joue de bœuf cuite plusieurs heures.
Un peu de culture sur le vignoble suisse
«Notre famille a produit du raisin pendant quatre générations. Mon père, Denis Meier, a accompli un travail exceptionnel d’amélioration du matériel végétal. En 2002, il a racheté quinze hectares de vignes qu’il a replantés avec des sélections allemandes et bourguignonnes aussi qualitatives que peu productives», expliquait Morgan Meier dans le hors-série de mai consacré au vignoble de Neuchâtel. «Vendre du raisin de qualité parfaite, produit à raison de 300 à 400 grammes au mètre carré, n’a aucun sens d’un point de vue économique.
Notre portrait d’une jeune cave neuchâteloise qui s’est fait un nom parmi les grands.
Journaliste sur le vin, spécialisé sur le vignoble helvétique, j’habite à Montreux. Mi-mars 2020, cette petite ville animée sur les bords du Lac Léman est entrée, comme le reste du pays, en dormition (un terme religieux qui désigne une mort sans souffrances) pour cause d’épidémie de coronavirus. Travailleur indépendant, rédacteur en chef de l’édition francophone de VINUM, père d’une petite fille de trois ans, président d’un concours international (le Mondial du Chasselas), je dois désormais réorganiser à peu près tous les pans de ma vie privée et professionnelle. Traverser le confinement, et survivre au cataclysme économique qui le suivra, va être une aventure exigeante dont ce journal de bord entend garder la trace.
Alexandre Truffer
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