Les codes de l’étiquette
L’étiquette joue un rôle essentiel, et souvent méconnu, qui s’est modifié en fonction des évolutions de la consommation. A la fois passeport et parure du vin, ce petit bout de papier en dit beaucoup plus sur un vin, celui qui le produit et celui qui le consomme qu’il n’y paraît.
Dix-sept secondes! Voilà selon Pierre Mora, Professeur responsable du département Marketing de l’Ecole de Management de Bordeaux, le temps qu’un consommateur passe en moyenne à choisir une bouteille dans le rayon d’un supermarché. Considérant que les grandes surfaces offrent une gamme de plusieurs centaines de produits, comment l’acheteur lambda prend-il sa décision? Les études réalisées par cet expert laissent entendre qu’il existe trois attitudes types. L’amateur régulier qui se dirige tout droit vers le produit qu’il boit habituellement. Le client à la recherche d’un bon prix intéressé aux actions du moment. Et enfin, tous ceux qui hésitent, comparent, s’interrogent sans idées préconçues. Cette dernière catégorie accorde une importance tout particulière à l’étiquette, seul signe prescripteur dans des enseignes dépourvues de personnel capable de le conseiller. Les conclusions d’une étude de 2008 ont montré que les réactions dépendaient essentiellement des connaissances œnologiques de l’acheteur. Ainsi les amateurs dits éclairés rejetaient par principe les flacons à l’apparence branchée et préféraient des étiquettes plus classiques. Ils estimaient que l’effort en matière de communication cachait sans doute une faible qualité du vin. Alors que chez les personnes qui se considéraient comme des non-connaisseurs, les contenants stylisés et les étiquettes au design amusant ou contemporain remportaient tous les suffrages.
Deux siècles d’étiquettes
Facilitatrice d’achat, l’étiquette joue aussi le rôle de passeport du vin. Elle en indique l’origine ou le type, ainsi que certaines de ses caractéristiques comme la contenance de la bouteille, le degré d’alcool (à 0,5° près) ou la présence d’allergènes (allergène, lait, œufs). Si les premières indications d’origine des vins remontent à la haute Antiquité (on a retrouvé dans un tombeau égytien date de 3500 avant notre ère un sceau indiquant « vin noir du Mont Liban», les étiquettes en tant que telles sont apparues au 18e siècle lorsque la bouteille (devenue moins chère et plus solide) commence à concurrencer le tonneau, qui fut longtemps le seul vecteur de commercialisation du vin. L’invention de la lithographie en 1796 permet l’élaboration d’étiquettes complexes que l’on peut facilement imprimer en grandes quantités. En Suisse, les plus anciennes étiquettes recensées proviennent du canton de Neuchâtel. Celui-ci, de par sa position politique particulière (de 1814 à 1848, la région est à la fois un canton suisse et une propriété du roi de Prusse) a développé un marché d’exportation florissant qui requiert un autre habillage que la consommation locale. La plus ancienne étiquette helvétique connue est celui du Docteur Otz, un médecin de Cortaillod, qui date de 1820. Deux siècles plus tard, ce petit bout de papier est devenu indissociable du vin et se décline en dizaine de milliers de versions.
Alexandre Truffer
Cet article est paru dans le hors-série Neuchâtel 2018.
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