L’histoire du vignoble vaudois au travers de ses Premiers Grands Crus (épisode 1: des origines à la conquête bernoise)

Première partie d’un dossier paru dans le hors-série Vaud 2017 qui revient sur l’histoire du vignoble vaudois au travers des Premiers Grands Crus vaudois.

563 : tsunami dans le Léman
Chavonchin
Jean-François Neyroud- Fonjallaz, Saint-Saphorin
La parcelle en terrasses sur laquelle naît le Premier Grand Cru élaboré par la famille Neyroud –Fonjallaz fait partie de l’appellation Saint-Saphorin. Ce village plein de charme qui domine le Léman doit beaucoup à l’évêque Marius d’Avenches qui fit bâtir l’église Saint-Symphorien de Lavaux, dont le nom évoluera au fil des siècles pour devenir le Saint-Saphorin d’aujourd’hui. La situation du bourg, construit en hauteur et à quelques encablures des rives, rappelle qu’en 563, un éboulement du Gramont – dans le Chablais valaisan actuel – provoque un tsunami qui fera des dégâts et des morts jusqu’à Genève. Rivaz, Pennelucos – rebaptisé Villeneuve lors de la reconstruction – et Glérolles – l’ancêtre de Saint-Saphorin – comptent parmi les localités dévastées par cette calamité naturelle dont l’ampleur marqua les mémoires pendant plusieurs générations.
www.neyroud.ch

996 : les premières mentions
Château de Châtagnéréaz
Château de Châtagnéréaz, Mont-sur-Rolle
Si les premiers vestiges du domaine datent de 1177, des documents de 996 attesteraient de la présence de vignes autour du Bourg Sainte-Marie, le hameau médiéval qui a donné naissance au village de Mont-sur-Rolle. Au 12^e siècle, les abbayes constituent un réseau dense de centres religieux culturels, intellectuels et commerciaux. Les techniques et les améliorations de ces moines influencent toujours les vignobles ou les brasseries d’aujourd’hui. Châtagnéréaz, dont le nom indique que le Chasselas y a été précédé par des châtaigniers, a connu le destin de nombreuses dépendances monastiques. Devenue bernoise après la Réforme, la propriété sera rachetée par un grand négociant vaudois, Albert Schenk, au milieu du 20^e siècle.
www.chatagnereaz.ch

1079 : le don de l’Antéchrist de Lausanne
Les Rueyres
Domaines de la Ville de Lausanne, Saint-Saphorin
En 1079, l’évêque Burcard d’Oltingen, surnommé l’Antéchrist de Lausanne reçoit de l’empereur le territoire de Lavaux. Pentue et boisée, la région sera transformée en vignoble par les religieux de quatre abbayes romandes : Montheron, Haut-Crêt, Hauterive et Humilimont-Marsens. Cette dernière fonde en 1141 un couvent de femmes – qui planteront les premières vignes – aux Rueyres, sur la paroisse de Saint-Saphorin. Aujourd’hui, la parcelle de 6500 mètres carrés proche du lac fait partie du Domaine du Burignon. Avant d’être racheté par la Ville de Lausanne en 1802, cette propriété emblématique de la région fut administrée pendant près de trois siècles par le bailli d’Oron qui avait hérité de son administration lorsque les moines d’Haut-Crêt furent chassés par les Bernois.
www.vinsdelausanne.ch

1335 : les Chappuis, vignerons de Rivaz
Dézaley La Gueniettaz
Christophe Chappuis, Rivaz
Importante dynastie de vignerons, les Chappuis sont mentionnés dans des archives du village de Rivaz datant de 1335 déjà. Ils font partie Représentant de la 19^e génération, Christophe élabore le seul Premier Grand Cru à arborer l’AOC Dézaley Grand Cru. Au cœur de la célèbre appellation, les ceps de la Gueniettaz plantent leur racines dans les terrasses qui ont fait la réputation du vignoble de Lavaux et lui ont valu son inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2007. Réchauffés par les trois soleils de Lavaux – le vrai, celui renvoyé par le lac Léman et celui qui se réverbère sur les murs de soutènement – les raisins de ce Chasselas planté à haute densité sont élevés dans des grands foudres de chêne selon la tradition de la région.
www.domainechappuis.ch

1471 : vente d’un mas de vigne sis côté bise
Es Cordelières
Domaine de Penloup, Mont-sur-Rolle
Sur le site internet de Vincent Graenicher dont la famille cultive, vinifie et commercialise le Chasselas du Domaine Es Cordelières depuis 1967, on peut lire que cette propriété – qui appartient désormais à la famille Mundler-du Martheray – a fait l’objet d’un acte de vente en 1471. Le document mentionne «un mas de vigne contenant 9 poses sis en Chatagnéréaz du côté bise du chemin nommé Es Cordelières». Aujourd’hui, les neuf poses sont devenues 3,3 hectares. Elles se situent toujours à l’est (côté bise) du Château de Châtagnéréaz, mais entourent un manoir du 16^e siècle où sont encavés et vinifiés les raisins de ce Premier Grand Cru. Composées de ceps relativement âgés, les vignes puissent les ressources qui leur sont nécessaires dans des terres profondes et compactes.
www.graenicher-vins.ch

1475 : le Chablais, première région francophone à devenir suisse
Clos Maijoz
Commune d’Aigle, Aigle
Réservé aux cérémonies officielles et utilisé comme cadeau protocolaire, le Clos Maijoz est issu d’une parcelle de 2300 mètres carrés. Vinifié par Badoux Vins, cette curiosité ne constitue qu’une petite partie du vignoble communal qui s’étend sur huit hectares. L’exploitation de vignobles historiques par des administrations publiques fait partie des tradition vaudoises. Rien d’étonnant à ce que Aigle, siège du Musée de la Vigne et du Vin, fasse partie des municipalités qui s’efforcent de valoriser leur patrimoine viticole. Si la ville est célèbre pour sa relation avec le Chasselas, dont elle accueille chaque année le Mondial, on sait moins que le Chablais vaudois, conquis par les Bernois durant les Guerres de Bourgogne, est le premier territoire francophone à intégrer en 1475 la Confédération Helvétique.
www.aigle.ch

1536 : Leurs Excellences de Berne s’installent
Château de Malessert
Cave de La Côte, Tolochenaz
Au cœur du vignoble de La Côte, sur coteau bien ensoleillé et bien exposé, les vignes du Château de Malessert sont sans doute exploitées depuis la nuit des temps. Jusqu’au 15^e siècle, le lieu-dit s’appelle «Clos de Bougel» et appartient aux moines du couvent de Romainmôtier. En 1536, les Bernois conquièrent le Pays de Vaud et imposent la Réforme dans presque tout le canton. Les domaines fondés et occupés par les moines sont récupérés par la puissance occupante qui y installe ses représentants ou les vend à des membres de son aristocratie. Hans Franz Nägeli, l’un des principaux dirigeants bernois, acquiert le château cette année-là. Ses descendants l’occuperont pendant deux siècles et demi. Demeuré une propriété privée encore aujourd’hui, le Château de Malessert appartient à la hoirie de Saugy, mais ses vins sont vinifiés par la coopérative Uvavins – Caves de La Côte.
www.cidis.ch

Alexandre Truffer

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