Sans superflu, l’économie s’effondre (Vin suisse et dormition: épisode 22)
Vin suisse et dormition : épisode 22 11 avril 2020
Alors que les nouveaux chômeurs se comptent en millions et les plans de relance en trillions, la crise économique en gestation est désormais considérée comme la pire de l’époque contemporaine. Un constat un peu étonnant étant donné qu’aucun moyen de destruction n’a été utilisé contre les infrastructures de production et qu’aucune fraude massive n’a été mise à jour. La majorité des consommateurs de cette planète ont juste arrêté d’acheter des choses inutiles pendant quelques semaines. Il n’y a, dans les pays industrialisés du moins, ni pénurie, ni rationnement, et pourtant, l’économie est en train de piquer du nez. Bien entendu, nous avions tous plus ou moins conscience que la société de consommation est basée sur le superflu, mais on peut désormais observer comme cette vague information logée tout au fond de notre subconscient se transforme petit à petit en une réalité tangible.
La bouteille du jour
La dormition causée par le coronavirus va porter un coup très rude à un vignoble suisse déjà touché par la crise. Afin d’apporter un maigre soutien aux vignerons sur lesquels j’écris depuis quinze ans, j’ai décidé d’ouvrir une bouteille de vin suisse par jour de confinement (deux précisions: j’ai dit ouvrir, pas forcément finir, et vu que ma cave compte près de 600 bouteilles de vin suisse, je ne crains pas trop de tomber à sec).
Heida 2016 Domaine des Crêtes
Une très belle acidité, du fruit – exotique et intense -, une belle robe dorée, de l’ampleur et une finale persistante constituent les traits distinctifs de ce Païen des Coteaux de Sierre vinifié par la famille Vocat. Quatre ans de patience ont permis aux arômes de pamplemousse, d’ananas, de lime et de litchi de s’exprimer au maximum de leur capacité. En bref, un très joli Savagnin Blanc qui a fait merveille sur un filet de brochet du lac Léman.
Un peu de culture sur le vignoble suisse
Dans les sociétés anciennes de l’Europe méridionale, le vin représentait en milieu urbain «à la fois l’unique excitant accessible, et surtout la seule boisson courante. L’eau potable n’était le plus souvent guère disponible en quantités suffisantes pour une population concentrée. Et tout substitut efficace faisait défaut : le lait posait des problèmes de transport, de conservation et, partant, de prix insurmontables. La bière n’était guère produite, à l’époque qui nous intéresse, au sud du Rhin; à Genève, elle n’est pas mentionnée avant le début du 17e siècle. De sorte que les gens, à quelque milieu social qu’ils aient appartenu, buvaient du vin. Ils en buvaient beaucoup», explique celui qui sera surtout connu pour avoir présidé la commission chargée de faire la lumière entre la Suisse et l’Allemagne pendant le Deuxième Guerre Mondiale.
Notre dossier sur l’alimentation au temps de Calvin.
Journaliste sur le vin, spécialisé sur le vignoble helvétique, j’habite à Montreux. Mi-mars 2020, cette petite ville animée sur les bords du Lac Léman est entrée, comme le reste du pays, en dormition (un terme religieux qui désigne une mort sans souffrances) pour cause d’épidémie de coronavirus. Travailleur indépendant, rédacteur en chef de l’édition francophone de VINUM, père d’une petite fille de trois ans, président d’un concours international (le Mondial du Chasselas), je dois désormais réorganiser à peu près tous les pans de ma vie privée et professionnelle. Traverser le confinement, et survivre au cataclysme économique qui le suivra, va être une aventure exigeante dont ce journal de bord entend garder la trace.
Alexandre Truffer
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