Le papier, dégat collatéral du Covid (Vin suisse et dormition: épisode 5)

Vin suisse et dormition : épisode 5 21 mars 2020

Travailler pour un média papier constituait déjà un défi complexe avant l’arrivée du virus. On peut maintenant se demander si la presse papier survivra à son départ. Les journaux locaux n’ont plus rien à dire vu que la vie associative, sportive et culturelle a complètement cessé. Les acteurs plus importants ont décidé de mettre la quasi-totalité leurs articles en libre-accès, démontrant par là même qu’ils ne produisent à l’heure actuelle aucune information qui ait une quelconque valeur. En ce qui concerne les journaux spécialisés, nous devons anticiper l’état d’esprit des lecteurs pour préparer le prochain numéro. L’édition 2/2020 de VINUM doit être terminée dans deux semaines et sera distribuée le 25 avril. Qu’est-ce qui intéressera les lecteurs à ce moment: une analyse de la crise viticole qui s’annonce, des propositions de sortie pour la fin du confinement ou un sujet complètement étranger à l’épidémie? Et même avec une idée de génie, comment la réaliser avec les limitations actuelles ?

La bouteille du jour
La dormition causée par le coronavirus va porter un coup très rude à un vignoble suisse déjà touché par la crise. Afin d’apporter un maigre soutien aux vignerons sur lesquels j’écris depuis quinze ans, j’ai décidé d’ouvrir une bouteille de vin suisse par jour de confinement (deux précisions: j’ai dit ouvrir, pas forcément finir, et vu que ma cave compte près de 600 bouteilles de vin suisse, je ne crains pas trop de tomber à sec).

Rose Pourpre 2017 Cave de la Béroche
Planté en 2012, ce Divico offre une robe aussi violine que dense, un nez mûr d’épices douces et de fruits noirs, une bouche ample, structurée, épicée et un jus soyeux. Ensemble, ils composent une cuvée gourmande, généreuse et ensoleillée vinifiée avec précision. Bien adapté à un ragoût de bœuf mijoté suffisamment longtemps, ce vin est une belle déclinaison du Divico, la nouvelle création de l’Agroscope de Changins qui ne nécessite pas de traitements phytosanitaires grâce à sa résistance naturelle aux maladies de la vigne.

Un peu de culture sur le vignoble suisse
Il n’y a si longtemps (à peu près 125 ans), le visage du vignoble suisse était très différent. A l’époque (en 1894), Argovie et Zurich abritaient plus de vigne que le Valais. Outre l’évolution des surfaces viticoles, cet article (inspiré d’un reportage de la Tribune de Lausanne de l’époque) donne des informations intéressantes sur les rendements (trois plus importants à Neuchâtel qu’au Tessin), les cépages – Ebling, Rauschling, Amigne et Rèze font partie des principaux blancs – et sur la valeur du vignoble. Ainsi un hectare de vignoble vaudois valait presque le double d’un hectare en Valais et 4,5 fois celui d’un hectare en Thurgovie.

Notre dossier sur le vignoble suisse à la fin du 19^e siècle.

Journaliste sur le vin, spécialisé sur le vignoble helvétique, j’habite à Montreux. Mi-mars 2020, cette petite ville animée sur les bords du Lac Léman est entrée, comme le reste du pays, en dormition (un terme religieux qui désigne une mort sans souffrances)  pour cause d’épidémie de coronavirus. Travailleur indépendant, rédacteur en chef de l’édition francophone de VINUM, père d’une petite fille de trois ans, président d’un concours international (le Mondial du Chasselas), je dois désormais réorganiser à peu près tous les pans de ma vie privée et professionnelle. Traverser le confinement, et survivre au cataclysme économique qui le suivra, va être une aventure exigeante dont ce journal de bord entend garder la trace.
Alexandre Truffer

Cet article est paru dans le dossier Premiers Grands Cru du hors-série Vaud 2017.

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