Araignées, coccinelles, guêpes, perce-oreilles et typhlodromes: les auxiliaires de la vigne
Pionnier de la lutte biologique, le vignoble suisse peut compter sur des alliés à six ou huit pattes dans sa lutte contre les ravageurs de la vigne tels que l’acarien rouge ou le ver de la grappe. L’action de ces auxiliaires a permis de diminuer drastiquement l’usage des insecticides et des acaricides.
Araignées
Des études menées en Valais, sur les rives du lac de Bienne et dans le canton du Tessin ont montré que ces différentes régions viticoles abritaient entre 70 et 300 espèces d’araignées différentes. Toutes carnivores, ces arachnides mangent à peu près tout ce qui leur tombe sous la dent. Ce régime alimentaire généraliste rend leur utilité en tant qu’auxiliaire difficile à quantifier puisqu’elles consomment aussi bien des ravageurs que des insectes tout à fait inoffensifs pour la vigne. A côté des tisseuses qui tendent leurs toiles dans le feuillage de la vigne, on rencontre des araignées errantes qui chassent à l’affût ou poursuivent leur proie, des sauteuses qui se distinguent par leur yeux surdimensionnés et des araignées-crabes au venin puissant. Parente miniature de la mygale, l’érèse coccinelle (en photo) atteint une taille maximum de deux centimètres. Rare et menacée, elle apprécie les zones incultes bordant les vignobles du Valais.
Perce-oreilles
Ces insectes sont considérés depuis longtemps comme des auxiliaires précieux du vigneron, car ils dévorent avec voracité les œufs, les chenilles et les chrysalides de deux papillons qui parasitent la vigne : le cochylis et la pyrale. Les perce-oreilles déciment aussi les nymphes du phylloxéra. Toutefois leur prolifération, favorisée par les mesures d’enherbement de la vigne, peut causer des problèmes de faux goûts dans les vins. Les perce-oreilles ont tendance à se cacher au cœur de la grappe lors de la vendange et finissent pressés avec le raisin. Pour déterminer à quel seuil cette contamination avait des effets sur les vins, les scientifiques de Changins ont fait déguster des vins mélangés à des quantités plus ou moins importantes de ces insectes. Heureusement, la limite – qui se situe à une dizaine d’individus par kilo de raisin – n’est que rarement dépassée.
Coccinelles
Auxiliaire emblématique, la coccinelle se nourrit surtout de pucerons et joue donc un rôle secondaire dans la vigne. L’arrivée de la coccinelle asiatique en Europe a généré des craintes chez les vignerons. Lorsqu’ils sont capturés avec la vendange, ces animaux sécrètent une substance défensive qui peut donner des faux-goûts aux vins. A l’image de perce-oreilles, les concentrations problématiques sont très rarement atteintes.
Guêpes
Le vignoble suisse doit composer avec quatre cousines de cette même famille. La guêpe commune, la guêpe germanique, le frelon européen et le frelon asiatique posent surtout des problèmes lors des étés chauds. Ces hyménoptères perforent les raisins mûrs afin de se nourrir de la pulpe et favorisent le développement des pourritures grises et acétiques. Considérés comme des ravageurs et peu appréciés des travailleurs qui les côtoient durant les travaux de la vigne, les guêpes méritent toutefois le titre «d’auxiliaire du vin». Des études ont montré que les guêpes sociales jouent un rôle essentiel dans la conservation des levures Saccharomyces cerevisiae. Celles-ci sont mises à profit par l’homme depuis des millénaires. Elles provoquent les fermentations qui donnent naissance à la bière, au pain et au vin. Nul ne savait comment ces levures, florissantes dans le vignoble à partir de la véraison, survivait pendant l’hiver. Depuis 2012, on sait que ces micro-organismes «hivernent» dans l’estomac des guêpes, qui les transmettent à la génération suivante en nourrissant leurs larves de nourriture régurgitée. Ce processus assure la survie et la dissémination des levures cerevisiae qui, une fois revenues dans le vignoble, seront ensuite disséminées par de nombreux insectes volants
Tiphlodromes
Proches des araignées, les acariens se divisent en dizaines de milliers d’espèces le plus souvent minuscules. Plusieurs d’entre eux – l’acarien rouge et l’acarien jaune commun surtout – sont des ravageurs de la vigne qui peuvent provoquer des dégâts considérables. Leur nocivité a explosé à la fin des années 1950 lorsque l’usage généralisé des insecticides a fait disparaître ses prédateurs naturels, en particuliers les typhlodromes. Ceux-ci, qui sont des acariens carnivores, constituent le meilleur exemple de lutte biologique intégrée. Leur présence dans les vignobles maintient le nombre d’acariens ravageurs à un seuil très bas sans nécessité de recourir à un quelconque traitement extérieur. Grand ami du vigneron, le typhlodrome est omnivore. Ce qui signifie qu’en l’absence de ses proies habituelles, il consommera des débris végétaux jusqu’à ce que l’apparition de nouvelles populations d’acariens ravageurs lui fassent reprendre son régime carnivore.
Cet article est paru avec le commentaire de Patrick Kehrli dans le Swiss Wine Journal 2017 édité pour les marchés exports par Swiss Wine Promotion