La note, agent du changement
Comme tous les amateurs de vins, je garde un œil attentif sur la blogosphère et les thématiques qu’elle relaie. La guerre du soufre ayant abouti à un cessez-le-feu durable, certains blogueurs se sont tournés vers un nouvel ennemi: la note. Celle donnée par les critiques, comme celle attribuée par les concours. Pelée, galeuse, d’où viendrait tout le mal, la note serait réductrice, contraignante, incapable de saisir la complexité du vin et bien entendu inapte à appréhender le génie du terroir. Souvent l’argumentation supportant cette philosophie se résume à « je n’ai pas aimé un vin médaillé dans un concours, donc tous les concours ne valent rien », pourtant la question reste légitime. Après tout, on ne note ni les peintres, ni les musiciens, ni les écrivains.
Un reportage sur Neuchâtel et ses Pinot Noir parkerisés , une présentation des lauréats du Grand Prix du Vin Suisse, des guides de dégustation avec des dizaines de cuvées classées et hiérarchisées: pas de doute, VINUM n’appartient pas à la mouvance anti-note. Et cela, non par archaïsme, par habitude ou par conformisme, mais par choix et par conviction. En effet, la note, malgré un certain nombre de défauts, possède deux avantages: limiter la subjectivité et éviter la sclérose.
En ce qui concerne le premier critère disons que je fait plus confiance à un groupe de jurés dégustant à l’aveugle dans des conditions équitables qu’à un intervenant unique qui connaît le prix, la réputation et le pouvoir du propriétaire du vin qu’il critique. Le second critère me semble encore plus important bien qu’il soit rarement mis en avant. Sans note, sans concours, les hiérarchies se figent au fil du temps. Un classement qui avait du sens au moment de son élaboration, devient un classique alors que les conditions-cadres qui ont présidé à sa constitution évoluent, puis finit par devenir un dogme. En remettant les compteurs à zéro, les évaluations notées sont au contraire le seul système qui permette à de jeune producteurs de se faire remarquer ou à des régions en pleine mutation d’attirer l’attention des prescripteurs.
Aujourd’hui comme au jours de sa fondation, VINUM entend documenter les évolutions du vignoble. Sans note, sans concours, sans guide de dégustation, cet objectif s’avère impossible à atteindre. Pour protéger l’orthodoxie, les notes se révèlent par contre superflues. Mais c’est une tâche que nous laissons à d’autres…
Alexandre Truffer
Rédacteur en chef adjoint
Responsable de l’édition francophone
Cet édito est paru dans l’édition d’octobre 2015 de VINUM